La Chaire industrielle Behaviour :
un laboratoire d’innovation comportementale au service de la santé et de la sécurité au travail
Nichée au cœur de la Lorraine depuis 1960, l’École Nationale des Ingénieurs de Metz (ENIM) prépare ses étudiants à devenir des acteurs-clés dans des secteurs variés allant de la mécanique à l’énergie, en passant par la robotique et les matériaux avancés.
Parmi ses initiatives récentes, la Chaire Behaviour se distingue comme un projet ambitieux favorisant le développement des compétences comportementales des ingénieurs au service de la santé et de la sécurité dans l’industrie.
Ce projet, unique en Europe, est le fruit d’une collaboration stratégique entre l’ENIM et une série de partenaires publics et privés, dont le Fonds de Dotation Mercy.
Rencontre avec Pierre Chevrier, directeur de l’ENIM.
Développer une sécurité de conviction
Celui qui dirige l’Ecole Nationale des Ingénieurs de Metz depuis 2017 le répète à qui veut l’entendre : « Une société sûre passe par une industrie sûre. Pour cette raison, l’ingénieur a une responsabilité envers la société. »
Mais pour l’exercer adéquatement en 2025, être bon en mathématiques ne suffit plus : « Dans l’industrie d’aujourd’hui, les compétences comportementales sont devenues aussi essentielles que les dimensions scientifiques et techniques traditionnellement attachées au métier » souligne Pierre Chevrier. Le leadership, la créativité, l’imagination, l’anticipation et l’adaptabilité sont donc autant de qualités-clés à mettre au service de la santé et de la sécurité au travail, surtout quand on sait que l’humain reste le facteur n°1 dans l’accident ou le presqu’accident.
Pour cette raison, l’ingénieur a une responsabilité envers la société.
En 2019 déjà, l’ENIM avait lancé un programme de 360 heures de formation à distance en management comportemental de la sécurité en entreprise, à destination des étudiants de dernière année. « Cette offre inédite a été un véritable déclencheur. Elle a montré qu’en renforçant la confiance des individus dans leurs capacités et dans les procédures de sécurité, les organisations peuvent non seulement réduire les risques, mais aussi créer un environnement de travail plus sûr et plus efficace » explique le directeur de l’ENIM. C’est ce qu’on appelle la sécurité de conviction.
La qualité et le caractère innovant de ce programme ont séduit l’équipe du Fonds de Dotation Mercy, dont les locaux sont situés à quelques centaines de mètres des bâtiments de l’Ecole. « Maurice Grunwald, le Président, a tout de suite perçu la dimension d’intérêt général de notre projet » se souvient Pierre Chevrier. « Grâce au financement apporté, nous avons pu aller plus vite et plus loin dans l’ingénierie pédagogique en nous attachant, par exemple, les services d’experts externes de grande valeur, tels des préparateurs mentaux traditionnellement affectés au suivi des pilotes de chasse, par exemple. »
Révéler l’Homme dans l’ingénieur
Un an plus tard, la Chaire Behaviour (« compo-rtement » en anglais) voyait le jour. Son slogan : « Révéler l’Homme dans l’ingénieur ». Elle rassemble des experts, des scientifiques mais aussi des industriels au sein d’un consortium dédié.
Co-portée avec le Laboratoire Lorrain de Psychologie et Neurosciences de la dynamique des comportements (2LPN) dirigé par Jérôme Dinet, la chaire Behaviour va encore plus loin dans l’innovation pédagogique permettant d’induire une modification des comportements humains en faveur de la santé et de la sécurité dans l’industrie.
Contrairement aux méthodologies classiques, il ne s’agit pas ici d’interroger le participant mais de le placer dans des situations simulées (sur ordinateur ou en recourant à la réalité virtuelle) et d’observer ses réactions. Chaque scénario est équipé de dispositifs d’instrumentation pour collecter des données. À la fin du processus, un document est généré qui évalue les compétences non techniques sous la forme d’un radar dressant une sorte de profil comportemental instantané. Un travail d’accompagnement est ensuite proposé pour aider à la transformation des compétences, qui sont à nouveau appréciées après un ou deux ans, pour estimer le chemin parcouru.
« Ce qui rend notre chaire unique » précise Pierre Chevrier « c’est notre approche basée sur des données mesurées et quantifiées. Nous accordons aussi une grande importance à ce que l’outil soit utilisé de manière responsable et éthique. Chaque scénario est d’ailleurs suivi d’un débriefing avec un psychologue. »
MetaTraveller – dispositif mobile de réalité virtuelle
Jérôme Dinet, directeur du Laboratoire Lorrain de Psychologie et Neurosciences de la dynamique des comportements.
Un financement d’amorçage pour initier le projet
Dès le départ, la contribution des industriels avait été intégrée dans le modèle économique de la chaire. « Que des patrons soient prêts à financer notre travail constituerait la meilleure des validations et nous le savions » explique Pierre Chevrier. Sauf qu’en 2020, en pleine pandémie de COVID-19, les chefs d’entreprises avaient clairement d’autres sujets de préoccupation.
Alors, que faire ? Attendre, au risque de passer à côté de certaines opportunités ? Ou démarrer avec d’autres sources de financement ? C’est cette dernière option qui a été retenue. Le directeur de l’ENIM s’en souvient comme si c’était hier : « Nous nous sommes tournés vers le Département de la Moselle et, dans une moindre mesure, vers Metz Métropole. Tout naturellement, nous sommes aussi retournés frapper à la porte du Fonds de Dotation Mercy.»
Cette dernière initiative a été déterminante : « Sans les 360 000 euros que nous avons reçus du Fonds, nous n’aurions probablement pas pu y aller », confie le directeur de l’ENIM. Les premiers résultats obtenus ont ensuite permis de convaincre certaines entreprises d’investir à leur tour dans le projet.
Un projet désormais autoportant, qui attire l’attention de nouveaux secteurs
Aujourd’hui, la Chaire Behaviour dispose d’un budget de plus de 2 millions d’euros, entièrement apporté par l’industrie. Et le secteur public s’intéresse aussi à ses travaux.
Sous l’impulsion du Fonds de Dotation Mercy, un rapprochement s’est notamment fait avec la Gendarmerie du Grand Est, commandée par le Général Olivier Kim.
Le contexte d’intervention est, certes, très différent. Pourtant, les points de convergence sont nombreux lorsque l’on évoque les compétences comportementales. A l’occasion d’un contrôle routier, par exemple, que faut-il faire lors d’un refus d’obtempérer ? Sortir ou non son arme ? C’est toute la question ! En simulant cette situation critique, en mesurant les facteurs qui influencent la décision du gendarme et en les optimisant, on peut très concrètement aider à réduire les risques.
Selon Pierre Chevrier, cette nouvelle étape est « un développement-clé qui montre l’importance de l’impact à long terme de la chaire et sa capacité à s’adapter à différents contextes, au-delà du secteur industriel. » Ce parcours pourrait, dans les années à venir, déboucher sur la création d’un institut de formation autonome, intégralement centré sur les défis de la santé-sécurité et du bien-être au travail.
Une relation au Fonds de Dotation Mercy qui porte toujours des fruits
On l’a compris : même si la Chaire Behaviour ne dépend plus du soutien financier du Fonds de Dotation Mercy, la relation n’a de cesse d’ouvrir de nouvelles perspectives : « le Fonds n’est pas qu’une simple tirelire » témoigne le directeur de l’ENIM. « Il recherche des projets ambitieux avec une vision à long terme qu’il peut, certes, financer mais aussi accompagner stratégiquement et mettre en connexion avec d’autres acteurs. Cela nous permet de continuer à grandir. »
Chaque année, les représentants du Fonds de Dotation Mercy sont, d’ailleurs, invités à participer au comité de pilotage de la Chaire Behaviour, au même titre que les autres partenaires engagés. De quoi vérifier sur preuves que leur investissement initial continue d’avoir un impact positif et reste vecteur d’innovation.
Interviews et rédaction : Nathalie Ricaille, journaliste.
Les propos ayant servi de base à cet article ont été recueillis entre février et mai 2025.
Que toutes les personnes interviewées soient ici remerciées pour leur temps et l’intérêt qu’elles ont marqué à l’égard de la sollicitation du Fonds de Dotation Mercy.
Le Fonds de Dotation Mercy : 10 ans de philanthropie atypique et volontariste au service de l’innovation en matière de santé-sécurité et bien-être au travail
Cet article fait partie d'une série qui retrace les 10 premières années d'action du Fonds de Dotation Mercy. Constituée de 8 parties, dont vous pourrez trouver les liens ci-dessous, elle donne à voir à travers des témoignages variés la portée du Fonds de Dotation Mercy dans le soutien à l'innovation dans le domaine de la santé-sécurité et le bien-être au travail.
LISTE DES ARTICLES :
Projets emblématiques soutenus par le Fonds Mercy :




